2009-04-09

les ujs


À Budapest, tout est "uj". C'est écrit partout... Comme on ne comprend rien du hongrois (langue qui ressemble à un mélange de mandarin avec un accent allemand...), et que, honte à nous, nous n'avions pas de dictionnaire franco-hongrois (Mélissa n'avait même pas amené son petit lexique...), nous avons déduit, par une logique implacable que uj signifiait "citron"... Nous l'avons compris à force de goûter à tout et n'importe quoi de "uj" qui goûtait invariablement le citron... 

À l'aéroport, la sécurité est uj. On la traverse sans ne croiser ne serait-ce qu'un garde. Mais nous y avons rencontré, et à notre grande surprise, Rémy et sa copine (un gars qui dirige comme moi et Mélissa un numéro de CM) qui faisaient (comme nous ?) un week-end en amoureux. Je tiens à souligner ici que Rémy portait en fier Français un manteau d'hiver et un foulard de laine : il a fait autour de 24 tout le séjour... Mais bon... Revenons aux ujs... Nous avons été surpris de constater que les guichets automatiques étaient aussi ujs... Il y en avait pour retirer des forints et d'autres en euros... Mais tellement ujs qu'ils refusaient nos cartes de débit canadiennes... comme nos cartes de débits étaient sans NIP, nous ne pouvions retirer de l'argent avec elles non plus... Là, la Hongrie nous est parue plutôt surette... Nous étions là, pauvres et bêtes, analphabètes et muets, plein de sous virtuels. La tension montait. Mais bon, il nous restait quelques euros (40) et on se plaisait à croire que quelques hôtels et restaurants daigneraient  accepter nos Visa et Mastercard canadiennes... Non, mais on comprends mieux le sens des sloggans de ces compagnies confrontés au uj radical...  Nous avons acheté quatre billets de train et sommes partis nous trouver un hôtel.

Mélissa m'a fait essayer pour la vraie première fois de ma vie une auberge jeunesse... Très peu cher (25$ par personne par jour !), très bien située, il faut cependant se rappeler que... ça fait toujours mal la première fois... Je me suis tellement assommé sur le plafond trop bas ! (Bon, juste une fois, mais quelle fois !) Nos lits étaient dans une "chambre" "décorée" avec une "ambiance" "indienne", mais avec une petite odeur de citron, parce qu'on est en Hongrie. C'était une sorte de dortoir que l'on partageait avec de purs étrangers en provenance des quatre coins du globe... Il fallait donc chuchoter, marcher le moins possible, fermer rapidement notre lampe, barrer nos valises, éviter de japper en dormant. La salle de bain était aussi commune, nous obligeant à prendre notre douche dans un espèce de pseudo intimité... La préposée (Heidi)  ressemblait étrangement à ma soeur Johanne... J'ai vu dans la cuisine, une musulmane jouer aux cartes avec une traînée qui riait trop fort et un roux. L'auberge n'acceptait pas la carte de crédit, mais on a trouvé plein de guichets prêts à nous donner des dizaines de milliers de forints. L'auberge n'avait pas de restrictions sur les heures de rentrées, car il y avait un gardien de nuit... et justement, ce gardien, un charmant américain du nom de Scott, nous a gentiment réveillé pour ne pas qu'on manque notre avion le lundi matin... Ça peut être sympa voyager en pauvrasses ! Je suis somme toute satisfait de l'expérience...

Nous n'avons pas pris les déjeuners d'un euro cinquante... Nous avons préféré les charmes locaux de l'épicerie... Où on a essayé plein de choses... toutes goûtaient un petit quelque chose de différent, un goût de citron... Du fromage l'ours qui rit, du salami hongrois mou, du turu rudi (une barre de fromage acide enrobée de chocolat, les Hongrois capotent là-dessus), du jus de cerise pas sûr, du kéfir, des croissants lourds, des biscuits au caramel qui goûtaient le citron, etc. Les pique-nique urbains nous ont permis de découvrir certaines moeurs locales, comme le flattage de banc... 

D'autres ujs... L'eau minérale peut être plate (et accompagné de citrons) ce que j'ai adoré ! La limonade est faite avec du tonic water... et on met du paprika dans tout le reste... Mais la bouffe était extraordinaire ! Nous avons mangé des soupes... des soupes... et d'autres soupes... Mais tous meilleures (et plus étranges) les unes aux autres. Il y en a une en particulier que Mélissa et moi prévoyons faire aux enfants (NoDoCath)... J'avais rarement été aussi surpris par une soupe ! (quoique la soupe tonki ne cessera jamais de nous surprendre... d'ailleurs, on est allé mangé ça en revenant à Paris...)

La ville comme telle manque cependant peut-être un peu de citron : il y a des tags partout, mais partout, il faut constamment emprunter des tunnels pour traverser n'importe quelle intersection, les voitures sont bruyantes, les édifices sont pour plusieurs peu entretenus... Mais on s'en fout, l'ambiance qui y règne est magique. Notre voyage s'est transformée en une sorte de flânerie onirique, où l'art de la pause est devenu le coeur de nos quêtes. Nous nous déplacions non pas pour atteindre un but, mais seulement pour mieux mériter une pause. Et quand on la méritait, c'était la joie. On fêtait avec des limonades caféinées et des cafés citronés... On vivait au rythme de la ville : lentement, détaché, simplement, comme un citronnier.

Budapest, c'est la nouvelle capitale du flâneur... le nouveau Paris, là où il fait encore bon désespérer... Budapest, c'est une ville où l'histoire et l'ethnologie se rencontrent pacifiquement, où le pain et l'eau sont bons et abondants. Budapest, c'est une ville jeune, où l'on quête peu et donne beaucoup à voir, à manger, à entendre. Budapest, c'est une ville reconstruite et qui se reconstruit sans cesse, comme une incarnation de la postmodernité elle-même, qui jongle et fait toutes sorte d'acrobaties. Budapest, c'est une ville remplie de poésie inapparente, comme portée par une langue qui ignore tout des autres, comme si elle réinventait le quotidien lui-même en lui saupoudrant simplement dessus un peu de paprika et un zeste de citron. 

6 commentaires:

Ophélie a dit...

C'est beau à lire tout ça. Je suis certaine de Budapest est heureuse de se voir décrire comme ça. Merci Jo pour ses beaux moments. Globetrotteur chanceux va!
Bisouxxxx

Mandoline a dit...

Plusieurs de tes descriptions me font penser à Moscou...

Mandoline a dit...

Pis moi aussi je suis jalouse de ton "globetrotteurisme"!!!

Anonyme a dit...

Beau voyage que fut Budapest... j'espère juste qu'il n'y a pas de hongrois qui lisent ton blog, car ils seront surpris de cette traduction libre du mot uj par citron... ;)

Mo... un peu nostalgique de ce beau week-end...

*ah oui, et tu m'as fait éclater de rire en évoquant cette coutume hongroise de flatter les bancs de parc!

Anonyme a dit...

c'est une soupe au uj et paprika que vous allez nous cuisiner?? hehe, j'ai bien hâte de découvrir cette gastronomie pour le moins...exotique!
cath...

Mathieu S. a dit...

Euhhh.... Flattage de banc?!? Do not compute...