2009-04-23

les yeux magiques

Aujourd'hui, et l'une des premières fois depuis 7 ans et demi de vie commune, mon chum plus-que-parfait m'a raconté un de ses rêves. Habituellement, il ne s'en souvient plus. C'est la plupart du temps moi qui lui rappelle qu'il a joué du piano toute la nuit, s'est pris pour un chef d'orchestre ou encore, qu'il a sifflé... Ses rêves semblent très musicaux et d'ailleurs, il a rêvé qu'il avait "parlé" et "écouté" une personne... C'est un peu triste fermer les yeux et ne voir que du noir...
Moi, quand j'étais jeune, je me frottais les yeux (je le fais toujours d'ailleurs) et dès lors, je voyais (et je les vois toujours d'ailleurs) à la hauteur de mes tempes, des yeux de couleur magnifique. Je disais (à qui, vous ne le saurez jamais) que c'était ma deuxième paire d'yeux... celle (et je me trouvais d'une logique implacable) qui voyait dans le noir de ma tête les films qui y étaient projetés. C'était mes yeux magiques. Et je ne les ai jamais remis en question... J'ai toujours eu un peu de difficulté à dissocier mes rêves de la réalité... Je dormais sans doute trop. À l'inverse de mon chum (et c'est pour ça qu'on se complète si bien), j'ai toujours eu trop d'images dans ma tête. J'assiste constamment, comme halluciné, à des spectacles grandioses de mon imaginaire. C'est un party de superposition de sens. Ma vie est dès lors un peu surréelle, car disposer d'une paire d'yeux supplémentaires, c'est comme avoir constamment des doubles foyers (imaginez si je portais en plus des lunettes à double foyer !)
Mes rêves ces jours-ci me font plutôt peur... Ça fait deux jours que mes yeux magiques se ferment d'effroi... En plus, j'ai peur que ça fasse comme ma guerre civile, qui s'est poursuivit de nuits en nuits, jusqu'à ce que j'en refuse de dormir. Là, mon rêve est moins "violent", mais mes yeux magiques vivent un stress digne des grands thrillers américains (genre ceux avec John Cusack "Identity", "Chambre 1408", ou "dans la peau de John Malkovich" même si c'est pas un thriller...). Je sais que je suis dans ma tête et je regarde, et c'est un jeu de mot douteux, par un oeil magique qui me laisse découvrir une petite chambre. Il s'agit d'une cellule, à l'image de celle dans laquelle je m'étends jours et nuits. Et je suis là dans cette chambre, à savoir que je me fais observer par moi-même. Il y a un jeu d'échelles inquiétant, comme les maquettes de la tueuse en série de la dernière série de CSI... Dehors, je sais que c'est la guerre civile, mais elle n'est heureusement là qu'en spectre... Je sais que je suis en sécurité et je ne suis pas inquiet de savoir que je m'observe. Ça me rassure. Or, et c'est là où débute la confusion, "je" (miniature) ne sais pas quel "je" au juste m'a enfermé là : lui-même, celui qui l'observe (comme si j'étais un scientifique fou qui fais une expérience), un autre je absent... Mais bon, j'ai décidé de lui faire confiance et d'être là, dans cet espace clos, noir (je me vois éclairé en tons de verts, comme une image de guerre, comme une caméra qui voit dans le noir), déformé par la vue de l'oeil magique... Il y a des graffitix sur les murs (fait comme une sorte de chair durcie) que je ne peux pas lire, mais toucher avec mes doigts... Je suis là dans le noir à me faire confiance, à me savoir protégé de la guerre dehors...
Mais mon enfer a commencé quand je me suis entendu offrir l'hospitalité, dans ma même cellule, à un étranger, fuyant lui aussi la guerre. Il y a un étranger dans ma tête. Mais qu'on se comprenne... Il est dans ma cellule, mais je ne suis pas avec lui. Nous occupons le même espace (en l'occurrence, ma tête), mais nous n'entrons jamais en contact, ni visuel, ni physique, ni rien. Il est seulement là, dans ma tête, à ne pas parler, à attendre comme moi le retour de la paix, dans un froid silencieux, dans une absence inquiétante. Il n'est pas là physiquement, mais nous partageons l'espace. Comme le locataire qui restait dans ma chambre 110 en 2007-2008 (et qui m'a laissé une enveloppe de condom déchirée dans une craque de ma base de lit). Sauf que cette fois nous partageons aussi le même temps, mais dissocié... Il est là, mais ailleurs, comme seul un étranger peut l'être. Je suis inquiet.
Je ne peux pas le voir et je doute qu'il peut m'observer. J'ai demandé à mon "je" qui l'a laissé entrer de me le décrire, mais à part me dire que c'est un homme dans la quarantaine, pas moche ni amoché, terrorisé de ce qu'il a vu à l'extérieur, froid et frigorifié, absent. J'engueule un peu ma tête folle... On réalise ensemble qu'il est là, dans ma tête, et que même s'il n'a pas de mobilier, sinon un matelas, une table de chevet (avec une Bible dedans !) et un poignard (!), il peut me faire le plus grand mal.
Là, ma tête folle ne sait pas comment il est entré là et ne sait donc pas comment le faire sortir... (C'est sans issus.) Et moi je suis là, inquiet. Puis-je lui faire confiance ? Pourquoi est-il là ? Que me veut-il ? Comme il s'agit d'un étranger, je ne peux pas entrer en contact avec lui. J'essaie de lui écrire des graffitix ("qui es-tu ?" "d'où viens-tu ?" "qu'attends-tu ?"), mais je l'imagine - et le jeu d'échelle me donne le vertige car je me regarde en train de penser regarder quelqu'un dans ma petite tête - assis, le regard absent...
Il y a un vide dans ma tête...
Moi qui a la phobie du vide, je capote. Je me pète des cartoons les plus sanglants les uns que les autres, en m'imaginant le même homme, toujours différents, se réveiller de sa stupeur avec un regard de murène, et me torturer l'âme, la chair de mes murs, désormais siens. D'autres fois, il cherche à se tailler une sortie à même mon crâne... Le tout prend des allures morbides du film "Saw". Le scénario se termine à chaque fois que mes yeux magiques, épouvantés, se ferment. Dès lors, je reviens dans ma cellule, et me revois, sur mon lit. Un peu fou, comme un homme qu'on aurait placé dans une petite pièce sans ouverture et sans possibilité de mesurer le temps... Finalement, ca ressemble BEAUCOUP au scénario du film chambre 1408, mais avec moins d'effets spéciaux...
Ça fait deux jours que je revis ce rêve, encore et encore...
Ce matin, je me suis surpris à me réveiller crispé comme si on avait essayé de me plonger dans l'huile chaude et affolé par un bruit de l'étranger que je sentais s'approcher et se rapprocher de moi. C'était la maid. Je suis en train de devenir fou.
Il est 2h40 du mat, je suis tombé endormi deux fois sur mon ordi aujourd'hui (je n'ai heureusement pas rêver à ça)... Je ne veux pas aller dormir.
Cette maudite guerre civile se déclenche à chacune de mes fins de sessions qui m'inquiètent. Je ne fais pas de l'angoisse de performance, je fais des performances angoissantes. Et dans ces occasions, je voudrais crever ces yeux magiques, comme dans la tragédie OEdipe-roi... En ce moment, je voudrais tant être dans les rêves de mon chum, et écouter cette douce musique qu'il pianote parfois sur mon bras, et qu'il souffle à mon oreille, celle même qui rappelle que l'on peut coexister amoureusement avec un étranger à soi, même dans notre tête, même à l'étranger. Mais je suis pris dans cette ville qui ne me ressemble pas, seul avec moi-même et avec le défi de rédiger sur un sujet qui n'est pas le mien, dans ma chambre réduite, et avec ou sans ces yeux magiques, virés contre moi, je dois lire des trucs sur la psychanalyse, le parricide et l'enterrement de vivants, sous l'éclairage d'une lampe hall(ucin)ogène. Je peux bien devenir fou.

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Jo...laisse-toi bercer un peu...ça fait du bien de se laisser bercer...même si Jérôme est loin pour pianoter sur ton bras, pense au doux sentiment que ça procure...et emmerde les malins de tes rêves!!! D'ailleurs...on doit faire de la télépathie...j'ai voulu t'écrire ces deux dernières semaines au sujet de rêves avec des esprits ou des doubles qui ne sont pas moi!!! j'ai réglé partiellement le problème...hehe...mais pour faire pire, je suis allée m'acheter du Poe!!!! Masochiste...sans doute...
Je t'embrasse fort...et bonne nuit!

Anonyme a dit...

cath

Yo et/ou Sab a dit...

Big hug à toi
Sabri XXX

Agé a dit...

Dans ton rêve, on se croirait dans l'un des épisodes de Star Trek quand le Captitaine Kirk de l'Entreprise s'est retrouvé enfermé avec quelqu'un d'autre, dans un univers espace-temps parallèle, lorsque la Machine à Téléporter est tombé en panne, en perdant sa calibration. Dans cet étrange univers restraint, le Capitaine cohabitait avec quelqu'un d'autre, mais ils ne pouvaient pas se parler ni se toucher, toutefois les deux pouvaient sentir la présence de l'autre et ressentir leur état d'âme. Heureusement, grâce à Monsieur Spock (le scientiste vulcain) et à Scotty (l'ingéneur en chef), ils ont réussi à réparer et à re-calibrer la Machine à Téléporter et ils ont pu ainsi ramener leur capitaine sain et sauf à bord de l'Entreprise. C'est également ce qu'on te souhaite, que tu puisses être téléporté sain et sauf dans notre monde réel dans notre univers espace-temps afin que tu puisses continuer à vivre et de belles aventures et nous les faire vivre par tes récits.
:-))

jocelyn a dit...

Mon père, avec ton exposé fort pertinent sur Star Trek, tu viens d'en révéler plus sur moi que mon rêve sur l'inconscient... Mon Dieu que, finalement, je te ressemble !