2009-02-12

mon oreille

J'ai terminé Mad Men... la première saison... Et comme le voulait la logique, l'intrigue reste totale jusqu'à la fin... en fait, il n'y a pas de dénouement... On reste dans l'aporie la plus totale... On ne sait pas ce qui advient des personnages... Il n'y a pas eu d'escalade dramatique, c'est comme ça... Le plus grand drame, c'est que ça finisse... Comme la vie arrête parfois sans qu'on aille vu la fin... La fin de quoi, on ne sait pas, mais la fin... Je veux écouter la deuxième saison. Maintenant.

Merci Garde et Dorothée (et par extension Noémi) de me plaindre, vous êtes de grandes dames. Et permettez moi de me (faire) plaindre davantage, car aujourd'hui je me suis réveillé sourd d'une oreille. En fait, je la soupçonne d'avoir eu peur et de s'être bouché, car elle savait que j'étais censé aller me faire couper les cheveux... Elle s'est dit, les oreilles basses : la dernière fois, c'était la droite, là, c'est à mon tour ! Alors quand fut le temps de se lever, elle a fit la sourde oreille et est restée au lit. 

Mais je dois dire qu'au début, c'est plutôt agréable ce sentiment de solitude... C'est un silence réconfortant... La vie n'est pas tout à fait la même quand on ne lui tend qu'une oreille... Dire qu'hier même, Noémi et moi souhaitions fort un silence à la cuisine... Le souhait a été exaucé. 
Vous comprendrez que je commence dans mon cours de magie... Mon savoir-faire n'est pas tout à fait à point...

Bon, je n'étais pas complètement sourd, alors j'ai pu quand même assister à la conférence qui était sur mon programme de la journée, mais d'une seule oreille... Mais je l'ai écouté d'une oreille attentive... C'était le journaliste Jean-François Li.sée qui parlait de la souveraineté du Québec. Je me suis dit : ouvre grand ton oreille, car c'est sans doute aujourd'hui que tu choisis ton clan !

Bon, la conférence n'avait pas pour but de nous convaincre du bien fondée du mouvement souverainiste (ca s'adressait plutôt à un public convaincu) mais de nous apprendre (hou hou) qu'il est loin d'être mort... Bon, j'aurais dû arriver sur les lieux avec un petit ghetto blaster sur l'oreille qui crache : Toujours vivant de Gerry Boulet (hey ! joue dont qqc qu'on connait ! Tu chantes tu ça toi du Gerry Boulet ? Aweye joue donc un d'ses succès ! Ben voyons, tu connais pas ça, Gerry Boulet ?) Désolé, c'est mon ver d'oreille que j'ai pogné en regardant la conférence... (Heille man, toé tu l'as ! Toé là, tu connais ça... T'as l'air d'un criss de bon gars, en tk, toé tu l'as...) Je ne sais pas pourquoi... (!) En fait, je me suis bouché l'oreille dès les premières minutes de l'exposé... 

Fermeture. Zip. En fait, je trouve indigeste les arguments motivés par la menace identitaire. Vous savez, les mêmes qui justifient la xénophobie, le sexisme, l'homophobie, le snobisme (Lewis, je voudrais une table... loin des pauvres), etc. Genre (a prononcé la bouche ouverte) les Canadiens ils nous veulent du mal pis ils veulent nous enlever le droit de parler français, pis ils veulent nous assimiler tsé... Bon, les arguments présentés avaient au moins la prétention d'avoir un peu plus de classe et de contenu, mais ils restaient motivés par cette crainte, par cette peur, qui oblige un repli, un isolement, une rupture de dialogue, question de préserver une identité, une langue, une histoire. Je trouve excessivement dangereux ce type de discours, qui cache derrière une fierté saine, une haine de la différence. 

Je ne suis pas né avec ou de cette peur... Moi, mon identité, je ne la sens pas menacée, car je sais qui je suis et même devant une armée d'autres. Et je trouve plus sain de travailler un être ensemble plutôt que de luter contre autre que l'on refuse à soi. Moi, je suis pour l'identité inclusive, qui bâti un projet qui ne se bute pas à ses frontières, et contre l'identité exclusive, que l'on transmet par liens de sang, à coup de taux de fécondité et de Saint-Jean-arrosé, que l'on mousse par en rhétorique, en politique administrative, que l'on bâtit en une seule nuit, malgré ses longs couteaux...

Ce que j'ai entendu ne m'a guère plu. On est loin du projet d'André Boisclair. En fait, on est loin d'un projet. Et en ce sens, la conférence a eu le mérite de bien illustrer le mouvement souverainiste : c'est une marée. Causé par des forces d'attraction contradictoire, le mouvement va et vient, comme s'il ne savait pas où il va, noyant en son passage quelques pauvres perdus qui voulaient scruter le bleu de l'horizon, et laissant découvrir en son retrait cadavres, mollusques et autres déchets qu'elle couvrait. Son contenu demeure liquide, se fracasse sur la grève et est nourri par les grains qu'elle décroche, à force d'érosion, à la terre ferme.  

Avoir l'oreille bouchée, ça l'avantage de nous faire entendre le son de la mer, un son qui nous berce par sa houle légère, et qui guette en son ventre encore des milliers de secrets. 

7 commentaires:

Anonyme a dit...

Je te lève mon verre, Jocelyn!! (en fait, c'est plutôt une tasse à café, car on est le matin, mais bon...)
Par ailleurs, ce plaidoyer à l'identité inclusive (dans un Canada uni, comme dirait Stephan H.) m'apparaît lié à un questionnement essentiel: Qu'advient-il des Guelphiens? Il me semble qu'il y a bien longtemps que tu ne nous a pas servi de savoureuse anecdotes sur tes compatriotes unilingues...
Mélissa

Mandoline a dit...

Moi aussi je lève mon verre!!!
J'avais jamais réussi à mettre en mot mon idée à ce sujet et ce que tu as écrit s'en rapproche énormément!

Anonyme a dit...

Je suis d'accord avec plusieurs éléments de ton message.

Or, tu n'appécies pas la réalité socio-historique de la menace qui pèse sur le Québec, petit ilôt francophone de 7 millions d'habitants au milieu d'un océan anglo-saxon de plusieurs centaines de millions d'anglophones.

Aussi, à force de tout inclure, on finit par ne plus être rien. Toute identité se fonde sur une dialectique de soi et de l'autre. C'est pour cette raison que la seule identité à la fois inclusive et exclusive légitime est l'identité humaine dont l'autre est l'animal. Elle a le mérite d'inclure tous les humains et fonde une communauté universelle dont les relativistes aiment briser l'homogénéité en multipliant les communautés "locales". Ce faisant, ils multiplient, inconsciemment ou non, les exlcusions...

Anonyme a dit...

aussi, apôtre de la diversité que tu es, ne vois-tu pas que le mouvement souverainiste cherche à se donner les moyens de préserver cette diversité?

pense par exemple à la loi 101 qui est pour moi problématique car elle fait primer un droit collectif sur un droit individuel en empêchant les aprents d'inscrire leurs enfants dans l'école de leur choix, mais bon...

Pat (l'autre avant aussi)

Anonyme a dit...

mais on se rejoint sur cette idée de construction d'un être-ensemble qui passe à mon avis d'abord par une (re)valorisation de notre commune identité

PAt

Anonyme a dit...

*humaine

jocelyn a dit...

La tension constitutive entre diversité et homogénéisation (qui constituent deux écueils dans leur forme radicale, l'un pour l'extrême polarisation rendant impossible le dialogue, l'autre pour son absence stérile, transformant le discours en monologue) est un débat qui a été très fort dans les décennies 1950-1970, surtout en france avec la création de l'Unesco et la création (ou plutôt la mise en place) d'une doctrine anti-raciste. Ti-Claude encadre bien ces questionnements avec son livre Race et histoire, puis sa conférence Race et culture. Cette dernière conférence a fait "un joli scandale" parce qu'on réalisa alors tout le racisme derrière le fait de promouvoir à outrance le repli des cultures sur elles-mêmes pour contrer la menace de l'homogénisation. Dès lors, il faut insister sur le caractère vivant de chaque culture, et le désir de conserver l' "authenticité" d'une nation n'est ni plus ni moins un pâle projet eugéniste (à voir ici la caricature de Victor LB de Marc Labrèche ou qqn qui chercherait les vrais descendants des Celtes...) Le Québec, pour conserver sa spécificité, a seulement besoin de demeurer vivant sur le plan culturel (dans tous les sens du terme), ce que nous faisons magnifiquement malgré les efforts d'Harper... (Quoique Calgary commence a découvrir l'art, ca va faire du bien au pays)

De ce constat, considérer le Qc comme un pauvre ilot de franco contre une marée d'anglos, comme une forteresse me pose un peu un problème d'image ; insinue-t-elle que tout ce qui est à l'extérieur est menaçant et SURTOUT ce qui est à l'intérieur mais n'est pas franco est aussi menaçant ? Insinue-t-elle que la culture québécoise ne se définit que par une question de langue ? Insinue-t-elle qu'elle a besoin de frontière pour délimité un espace différent et donc que le reste du Canada est indifférent (négation de la diversité hors-Québec, voir de la diversité à l'intérieur de ses murs) ? C'est une vision frileuse selon moi de la culture, comme si le Québec était pas assez fort pour être dans un être-ensemble... Le projet souverainiste doit promouvoir un idéal de société, pas une volonté de se retirer pour y réfléchir...

Deuxième chose, je ne nie pas la menace d'homogénition qui pèse sur le Québec (comme elle pèse sur les autres nations qui composent le Canada, dont notamment les nations autochtones), je ne l'attribue simplement pas aux canadiens-anglais. Je pense franchement que c'est refuser de voir la réalité coloniale actuelle. Ce ne sont plus des États-nations qui nous colonisent aujourd'hui et ce n'est dont pas ça qui devrait nous préoccuper. Et dans cette nouvelle forme de colonisation, d'ethnocide, notre principal ennemi, c'est nous-mêmes. C'est notre propre incapacité à nous réinventer, à maintenir vivante notre spécificité individuelle et collective.