(sur le ton d'un roman féminin)
Noémi s'éveilla tard ; heureusement, ça faisait trop longtemps qu'elle dormait mal à cause de réflexions inutiles... Aujourd'hui annonçait la promesse d'une ère nouvelle, une ère vouée au mieux-être, au bonheur, au savoir. C'est le soleil qui lui promettait tant de choses. Si elle se souvenait d'un Paris gris, celui qui s'ouvrait à elle n'était maintenant que jours meilleurs. Enfin, Paris allait être à la hauteur de sa réputation : belle, cultivée et pleine de vie. Enfin, Noémi allait s'y reconnaître.
Et si ce n'était pas la ville qui avait changé depuis la nouvelle année ?
C'est une envie de caféine qui l'aida à se lever de son lit, désormais revêtu de draps de coton propres, qui sentaient encore sa terre natale. Ses valises n'étaient pas encore défaites, mais elle s'en fichait. Elle avait toute la semaine pour remettre son quotidien en ordre. Elle avait de plus grands rêves. Parmi eux : une crêpe au sucre et un bol de café au lait... L'idée de se recoucher pour mieux les imaginer lui effleura l'esprit... Or, Noémi a pris la résolution d'arrêter de se laisser berner pas ses rêves... S'il faut vivre, il le faut au présent. De fait, il faut aller jusqu'à agir... Elle prit le téléphone, comme empreint d'une urgence et composa le 6110. Une voix rauque et grave, une voix qui lui ferait accepter une soirée DVD couché en cuillère, lui répondit :
-Allô ?
C'était Jocelyn, son gros ami ethnologue et gai, qui lui apporte joies, soutiens et parfois quelques Madeleine...
- Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda-t-elle, quelques chants d'oiseau silencieux en sourdine...
- Ha bien je, bien j'a mmmmzz, heu, pas grand chose
- T'étais couché (en espérant qu'il ne lui réponde pas qu'il avait déjeuné...) ?
- Un peu, je ne dormais pas. Ha, Noémi (?) Il est quelle heure ?
- Presque midi. Je veux manger une crêpe au sucre. On pourrait aller à Montmartre.
- Ha, heu... il faudrait que je travaille, sinon que je compose mon blog, mais sinon, je peux manger aussi...
- Génial. Je dois prendre ma douche alors on se retrouve dans une heure trente en bas.
- Une heure trente ?
- À tantôt !
Et elle raccrocha, de peur qu'il refuse. Après tout, une heure trente, c'était bien peu pour prendre soin de soi... Une heure trente, c'est bien peu mis à côté des 26 ans qu'elle avait passé à prendre soin des autres. Une heure trente, c'est tout ce que ça prend pour renaître de sa nuit. Mais une heure trente, c'était quand même long avant de prendre sa noire liqueur... Elle saura attendre. Il lui fallait l'attendre...
****
"En bas", comme elle disait (comme ils disaient tous), était l'endroit idéal pour les points de ralliement. À deux pas de la porte, il y avait lecture, espace et même quelques fauteuils pour rendre l'attente plus agréable. Noémi se laissait toujours attendre quelques minutes de splendeur, comme un spectacle de qualité ou un bon restaurant. Elle y trouva son ami Jocelyn qui discutait tranquillement avec Julie H. Les deux filles ne s'étaient pas revues depuis plusieurs semaines et se sautèrent dans les bras, comme si plusieurs douloureuses années les avaient séparées. Avant de s'excuser de son léger retard, Noémi s'inquiéta des vacances de Julie. Cette dernière lui lança dans un désordre excité les grandes lignes de ses quelques semaines passées en Ontario auprès des siens. Puis, elle retourna la question à Noémi, et ce, même si elle la savait inutile ; ses yeux pétillaient et même sans café, Noémi dégageait une chaleur et une énergie que personne à la résidence ne lui connaissait. Ses vacances lui allaient bien. Les amies entrèrent plus en profondeur sur certains points, mais devant le caractère quelque peu "public" du point de ralliement, elles décidèrent de suspendre l'entretien avant qu'il devienne trop intime.
En fait, Noémi était aussi préoccupée par Jocelyn ; son silence ne lui ressemblait pas. Par quoi était-il provoqué ? De plus, il avait adhéré la veille sur Facebook à un groupe "I hate 2009 already" et son statut avait quelque chose d'alarmant. Jocelyn était nécessairement déprimé et avait besoin d'en discuter. En sortant de la résidence, elle tenta de lui arracher les vers du nez, mais il résistait. C'était peut-être plus grave qu'elle le croyait. Peut-être traversait-il une période difficile et préférait cultiver le silence. Dans ce cas, elle serait aussi là pour lui tenir la main, pour braver, sans bruit, la tempête à ses côtés. Par respect, par humilité, il faut savoir être là en silence.
Pour tout dire, Jocelyn, obèse assumé, n'avait que très faim. Il avait dû attendre, en jouant au Sudoku et à Bejewelled sur son nouveau iPod touch, plus de deux heures le moment de déjeuner. Cette attente était contraire à ses habitudes et quand elle ne le rendait pas grognon (comme sa tendre moitié qui s'obstine à croire que son estomac n'influence jamais son humeur), elle le rendait distrait. Distrait d'autant plus qu'il avait déjà discuté avec Noémi et Julie H (mais séparément) de leurs vacances respectives, et qu'il avait même eu l'occasion d'entrer dans les détails. Il n'avait donc simplement rien à dire. Et Noémi n'avait sans doute rien à ajouter, car elle marchait à ses côtés sans dire mot. Il avait consenti à lui prendre la main qu'elle lui avait tendue par souci d'attention. Selon lui, Noémi, qui avait dû affronter plusieurs tempêtes, devait, après tout, avoir besoin d'une certaine certitude que le calme existe bel et bien.
Jocelyn osa briser le silence d'un beau samedi d'hiver sur Paris avec un "J'ai faim" plutôt impromptu. Noémi, qui savait Montmartre (et par extension son café) très loin, décida de changer les plans : pourquoi ne pas rester sur la rive gauche et profiter de la frénésie à la fois jeune et littéraire de Montparnasse ? Là aussi les crêpes et le café y étaient bons à penser... Jocelyn accepta sans penser. En fait, il aurait sans doute accepter l'idée de manger jusqu'au disgracieux Resto U de la cité universitaire qui s'éloignait tranquillement derrière eux.
Dans la station, ils entendirent un train partir. Ils n'étaient plus pressés. L'attente était douce et réconfortante. Noémi se sentait bien. Elle se souvint des bons moments passés à Paris ; ses nouveaux amis, l'Halloween, ses sorties, la gloire de l'un de ses travaux scolaires... Parmi ces souvenirs, surgit celui d'un sympathique petit coin de Paris (comme il en existe plusieurs) près de Montparnasse, lequel elle avait exploré en compagnie de sa soeur. Pour couronner l'instant, elle se rappela qu'il se trouvait à la station de métro Gaîté. Savoureux. Elle, et l'idée de son café, y était déjà...
Pour retrouver sur quelle ligne se trouvait cette station, Noémi sortit un peu honteusement (ne voulant pas se faire étiqueter de touriste malgré son accent canadien) de son immense sac à main son petit guide rouge "Paris pratique". Elle n'avait pas utilisé ce guide depuis... Depuis quand ? En fait, elle n'avait pas envie de réfléchir à cette question. Elle connaissait la réponse et savait la contourner... Elle l'avait en fait utilisé la dernière fois lors de la visite à Paris de son ex petit copain... Visite qui s'était soldée par un constat d'échec. Elle fit valser la pensée. Or, un élément attira son attention : une page du livre semblait avoir été mis en évidence par l'ajout d'un signet. Quelle était cette page à se souvenir ?
Elle l'ouvra et tomba nez-à-nez non pas avec une, mais avec trois photographies de son ex. Il s'agissait de photos issues d'un photomaton qu'il avait prises pour une raison quelconque, comme se faire faire une carte d'identité, satisfaire une pulsion narcissique, ou venir hanter le bien-être de Noémi quelques semaines après leur rupture... Les trois ex semblaient la narguer. Mais au lieu de s'en vexer, elle en rit. Quelle situation ! C'était un rire, mais certainement un rire noir. Noir jaunâtre, un rire noir café... En fait, la situation aurait été plus comique après un café.
Jocelyn, à la fois alarmé et amusé en voyant ce signet, s'en empara rapidement et le jeta rapidement aux poubelles. Les deux rirent de bon coeur. Puis, il arrêta brusquement et s'excusa : cette tâche aurait selon lui dû incomber à Noémi. Il avait fait un acte de violence symbolique ; ce n'était pas à lui de se débarrasser des souvenirs d'autrui. Qui plus est, elle aurait pu vouloir conserver ces images. Noémi le rassura qu'elle n'avait pas besoin de ce type d'exorcisme, et qu'elle n'avait pas non plus besoin de conserver les photos, sinon pour lui jeter un sort, mais elle n'en avait ni le talent ni l'envie.
Dorénavant, tout ça tout ça, c'était pour elle du "vomi" (pour reprendre ses termes).
"Le vomi", pour Noémi, était la version abrégée, vulgaire et combien plus imagée, gaillarde et amusante de dire :
"Loin de moi cette idée." Comme le vomi, une idée, une pensée, comme celle de son ex, devenait indigeste. Dans ce cas, mieux valait la vomir, car c'est tout ce qu'elle valait. Le vomi, c'est tout ce qui était ou la rendait hors d'elle-même et qu'elle ne voulait surtout ne plus voir entrer à nouveau. Le vomi, c'est tout ce qui est disgracieux, impropre, intolérable. Le train arriva et ils s'échouèrent sur les premiers strapontins.
Dans le wagon, il y avait un vieux nain, mal-habillé, qui les obligea à retenir un fou rire, un fou rire coupable de jours heureux. Station Denfert-Rochereau, Noémi et Jocelyn transfèrent vers la ligne 4. Sur le quai, et ce n'est pas un "hasard" purement (in)esthétique de l'auteur, flottait une flaque de... vomi. Quel ironie ! Une grande, comme celle que décrivait Noémi dans la situation précédente. Jocelyn croyait que son amie allait la voir et bifurqua vers la gauche. Mais Noémi, bercée par un rire café-crème, ne dévia pas de sa trajectoire. Elle rigolait joyeusement, du nabot. Comme à l'habitude, et comme en amour, Noémi se lançait aveuglement les pieds premiers dans n'importe quel (petit) plat, de la veille ou du surlendemain. Jocelyn la prévient d'un "Attention !" précis et "on time" que Noémi évita sans justesse. N'ayant plus beaucoup de temps avant l'incident, il en tenta un deuxième, osa un troisième encore plus rapide, mais au quatrième, il était déjà trop tard. Noémi avait marché dans la première petite flaque de vomi. Heureusement, contrairement en amour, elle ne s'enfonca pas dans la seconde flaque, beaucoup plus grande, le sourire aux lèvres. Car si elle avait agit comme en amour, elle s'y aurait vautrer, question de s'y salir, de s'y enliser. Cette fois, elle ne s'y sera trempé que le petit orteil. Elle fut fort heureusement partie aussitôt... Aurait-elle déjà retenu sa leçon ?
Toujours est-il qu'ils continuèrent leur chemin, en riant, encore, de la journée un peu loufoque qu'ils étaient en train de vivre. Noémi avait néanmoins un petit goût amer en bouche, mais ce n'était pas celui du café.
Station Montparnasse, Noémi et Jocelyn prirent la première sortie, ne sachant pas trop de quel côté de la tour ils se trouvaient. Ils se heurtèrent à une marée humaine de coureurs de soldes... Car en janvier, Paris se réduit, en argent, mais en espace aussi. Avancer devenait un défi dans cette foule compacte de consommateurs à crédit. Tous les coins sympathiques étaient susceptibles de ne plus le devenir. Il fallait seulement fuir les centres, fuir les espaces commerciaux. Il n'y avait plus question d'atteindre Gaîté, s'échapper était la seule option. Jocelyn commençait à croire qu'il ne mangerait jamais et le besoin de caféine
tourmentait Noémi. Le spectre du McDonald rôdait dans tous les coins du quartier...
D'un non-désaccord commun, les amis se réfugièrent dans un café commun où ils ont pu trouver sans attendre une table. Sans attente est plutôt faux, car pour l'atteindre, ils ont dû patienter plusieurs minutes que le couple situé à côté de leur table leur fasse de la place pour passer. À Paris, l'espace est un luxe qui se paie à grand prix. Pour rendre la facture moins salée, il faut accepter de diviser les mètres carrés par plusieurs clients. Le restaurant prend alors parfois des allures de casse-tête à la "Rush Hour".
Le menu était déjà sur la table, et par l'allure commune du lieu, on devinait ce qui s'y trouvait : des entrées trop chères, des salades, des sandwichs, des croques-monsieurs, des crêpes sucrées, des desserts trop chers, un plateau de fromages et de charcuteries et plusieurs vins essentiellement d'origine française. En effet, c'est ce qui s'y trouvait, avec quelques spécificités, indignes d'être soulignées. Comme il n'y avait (étrangement) aucune crêpes salées, Noémi et Jocelyn restèrent accrochés aux mots "oeuf", "lardons", "croûtons de chèvre" que l'on pouvait trouver dans la salade alpage... C'est ce qu'ils prendront, étant donné la résonance du repas avec le "oeufs-bacon-rôties au Cheeze Whizz" qui leur manquait déjà. (Enfin, le Cheeze Whizz ne manquait qu'à Jocelyn)
Le serveur, anonyme, leur apporta des fourchettes déséquilibrées (qui tombaient partout et tout le temps dans tout le restaurant), une trop lourde carafe d'eau dure et les assiettes, plutôt anonymes. Ils mangèrent en silence, déçus, il faut dire, qu'il ne s'agisse pas d'une crêpe au sucre montmartrienne. Une langueur leur élançait la mâchoire inférieure. Ils se racontèrent des anecdotes peu croustillantes, comme leurs croûtons de chèvre qui manquaient cruellement de miel. Noémi n'avait pas le goût de prendre un café à cet endroit. Elle espérait mieux. Elle voyait plus grand. Jocelyn, quant à lui, rêvait à un dessert. En discutant, ils décidèrent d'aller s'en choisir un au Ladurée des Champs Élysées. Et pourquoi pas, c'était à leur portée...
Ils attendirent longuement l'addition, puis se souvinrent qu'à Paris, du moins dans un restaurant qui se veut respectueux, il fallait la demander. Contrairement au Canada où les serveurs glissent automatiquement (et subtilement) l'addition sur la table (parfois pendant le repas) pour inviter les mangeurs à disposer de leur table comme ils l'entendent, le mangeur parisien interprète une telle pratique comme une impolitesse, un geste indélicat, qui invite le client à disposer, point. Or, même après l'avoir demandé, ils dûrent patienter. Noémi comptait les minutes qui la séparait de son café.
À la station de métro de Montparnasse, Noémi fut captive d'un tourbillon de consommateurs déchaînés. L'instant d'après, un inconnu voulut la prendre par la main. Plus il insistait, et plus la main de Noémi se crispait. En fait, le pauvre était en train de se tromper de main, tout simplement. Sa copine, derrière une Noémi confuse, riait aux éclats. Il s'aperçut bientôt de son erreur (ou de son acte manqué), et lui présenta ses excuses... Noémi les accepta sympathiquement et poursuit son chemin. La péripétie avait la couleur de cette journée, une journée sans café.
*****
Noémi et Jocelyn aperçurent l'Arc de Triomphe en sortant de la bouche de métro. Noémi huma l'air frais en se fermant légèrement les yeux. Même dépendante au café, elle se sentait (enfin) libre. À cet endroit de Paris, il semble impossible de méditer sur ses défaites personnelles. Là ne flottent que des sentiments de victoires, de réussites et de patriotisme. L'orgueil, le torse et le porte monnaie semblent être gonflés. Malheureusement, pour se rendre au Ladurée, il fallait s'en éloigner.
Tous les cafés des environs se vendaient à fort prix : 8 euros. En considérant que celui, fort respectable, de la MEC se monnaie à 40 centimes, Noémi et Jocelyn décrétèrent qu'encourager pareille inflation constituait une insulte à leur intelligence de consommateur. Ils accepteraient volontiers de payer 10 fois le prix de la MEC, mais 20, c'était hors de question. Ils allèrent cependant vérifier les prix dans la boutique Nespresso. Là, le café est réduit à deux fois le prix de partout ailleurs (pour reprendre l'expression de François Pérusse). Or, l'insulte demeure tout aussi grande, car les cafés qui y sont servis agissent en qualité de spot publicitaire. Va pour deux euros, mais quatre euros pour un café, une pub et un sentiment d'être trop pauvre pour se payer un vrai café non sponsorisé aux Champs Élysées, c'est inacceptable. Ils sortirent en claquant presque la porte.
Encore frustrés par l'indécence des prix élyséens, les amis aperçurent un LV qui leur rappela d'un coup d'oeil la fonction sociale (et économique) des produits de luxe. Ils y entrèrent comme deux pauvres enfants dans une confiserie, espérant même que par charité un commis leur fasse don d'un modeste présent, ou encore que par une chance extraordinaire, ils deviennent les millionièmes pauvres à franchir la porte de cette inaccessible maroquinerie et obtiennent ainsi toute une collection de valises. Mais, ô misère, il n'y a jamais de solde, même en janvier, ou d'événements promotionnels chez Louis Vuitton. Noémi et Jocelyn erraient dans la Mecque de la sacoche comme dans un musée, et se plaisait à consulter les prix pour admirer la part de folie qui se trouve, il faut croire, dans chaque être humain.
Or, l'inaccessible a une fin ; Jocelyn a pu trouver un petit cadeau pour son chum (qui collectionne déjà les éléments masculins) en deçà du 20 euros. Il a poussé l'audace jusqu'à payer comptant (...) et demandé un emballage cadeau. Il a en revanche compris par la suite que cet acte renfermait un problème de sens ; une boîte cadeau signée LV contenant un objet de peu de valeurs ne peut que décevoir. En effet, c'est comme recevoir des tasses dans une boîte de DVD pour reprendre l'image d'une certaine publicité. En fait, le véritable cadeau était davantage pour Jocelyn. Celui lui a permis de sortir de la chic boutique avec un sac. Et sortir avec un sac, c'est se mériter tout une reconnaissance que les pauvres - ceux sans le sac - n'ont pas. De ce fait, le portier, qui ne parlait à personne, a pris la peine de lui sourire et de lui souhaiter "Bonne journée, monsieur". Les autres clients le regardent avec un brin de considération - ou avec moins de condescendance (sauf les Asiatiques qui ont trop de sacs de prestige pour remarquer la parade) et les non-clients l'envient du regard. Sur la voie publique, il appartient à une classe supérieure à la sienne : son manteau de TAC se transforme dès lors en cuir véritable, son ensemble jean/chemise GAP prend des allures de cartes de mode et ses souliers Steve Madden n'ont jamais été aussi bien mis en valeur. Il devient un riche qui a sa place sur les Champs Élysées.
Et Noémi, belle comme Paris (surtout avec son air insulté qu'elle a depuis que le portier ne lui a pas souhaité une bonne journée), rend cohérent tout le tableau ; car la seule raison qui expliquerait pourquoi une femme si belle se promène aux bras d'un être trapu et plutôt laid, c'est que cet homme soit riche et fasse des cadeaux signés LV. Enfin, il y en a une autre, soit que l'homme soit gai et gentil, et que le cadeau n'ait rien de glamour, mais ce n'est pas cette hypothèse qui vient à l'esprit en premier... Et c'est dans cet état de présence que le couple factice a entré au Ladurée.
Une file monstre força Noémi à renoncer à son projet de café dans le salon de thé. Il était 17h00 et le Ladurée n'est pas une destination originale pour le goûté. Ils empruntèrent néanmoins la file de gauche qui leur permis de se procurer un mémorable palmier à deux euros que Jocelyn dévora entier, dans la rue, en prenant bien soin de rendre lisible pour les passants le papier vert et doré qui le recouvrait. "L-A-D-U-R-É-E" Ce n'est peut-être pas les meilleures pâtisseries de Paris (chacun y va de sa théorie), mais elle demeure la plus prestigieuse ; alors mieux vaut rentabiliser son investissement en insistant sur le capital de prestige.
Noémi, quant à elle, marche d'un pas décidé. Elle ne pense qu'au café qu'elle n'a pas eu et regrette l'omniprésence typiquement américaine du café Starbuck... Si on peut "mourir de soif au milieu d'l'océan" comme le chantait Richard Séguin, on peut manquer de café en plein Paris... Son pas est rapide et à la première station de métro qu'elle rencontre, elle oblige Jocelyn à terminer son palmier afin de regagner la MEC, et surtout, son café de quelques centimes.
En arrivant sur le quai de la ligne un, le métro a déjà les portes ouvertes. Noémi se précipite et rase d'entrer en collision avec un pauvre homme encombrant qui traînait là sur le quai, devant la porte, pendant la sonnerie de fermeture, avec une valise. Jocelyn eut moins de chances ; il s'accrocha dans la valise, et pendant que les portes se ferment, il fait passer son sac LV avant lui, ce qui ne lui donne pas assez de temps pour passer ses épaules. La porte s'écrase sur lui, il tente de se dégager, et il y parvient difficilement. Cette pression lui fera souffrir quelques jours. Dans le wagon, il n'a plus l'air riche, mais seulement d'un idiot qui s'est buté sur une valise et à une porte presque fermée.
La station Châtelet-Les Halles (station balnéaire) prend des airs d'égouts par l'odeur qui s'en dégage et par le fourmillement des rats des soldes qui s'en échappent. Jocelyn et Noémi réussissent à obtenir une place dans le RER B et regagnent paisiblement leur foyer. Mais Noémi ne se dirigera pas tout de suite à sa chambre. Elle s'était fixée un rendez-vous plutôt intime avec une certaine machine à café...
En écoutant la machine se mettre en marche, elle se dit qu'elle avait l'impression d'avoir attendu trois ans. Pendant tout ce temps, il l'attendait là, sagement, et au chaud, à la maison. Mais a-t-elle perdu pour autant sa journée à le chercher ?
Sans doute pas. En se levant ce matin, Noémi a compris qu'elle n'avait pas besoin simplement d'un café. Elle avait besoin de le mériter. Elle devait agir pour l'avoir, non pas pour l'obtenir, mais simplement pour se le mériter. En ce sens, elle ne cherchait pas un goût, un prix, une réputation, un exotisme, mais un état d'être. Elle avait besoin d'agir sur sa vie, pour lui, plutôt que de se le verser passivement. Elle avait besoin d'un prendre un grand détour pour pouvoir être capable de mieux revenir chez elle, cette fois la tête haute et prête, prête à consommer un bon café et qui sait, quelques crêpes au sucre en pensée...
Carnet de voyage #3
Il y a 15 ans
8 commentaires:
Eh que je t'aime :)
xxxxxxx
p.s. J'ai pris mon Nescafé aujourd'hui!
Mais on veut plus d'histoires comme celle-là! Noémie ferait un vraiment beau personnage de roman écrit par Jocelyn!
Que c'est romanesque !!! Ça donne envie de lire le roman en entier et de connaître Noémi encore plus ! J'ai déjà hâte à mercredi pour notre troisième rencontre au Bath (ou non) party !!!
Magnifique post...en effet, on voudrais connaître la suite ! Tu sais comme j'aime te lire, et à quel point j'aime ta manière d'écrire ! Mais là, il y a un je ne sais quoi en plus, une fluidité et une simplicité qui m'émeuvent, comme si tu t'étais mis à nu. Je connaissais Jocelyn, l'écrivain acrobate qui jonglait avec les mots...je viens de découvrir Jocelyn le conteur, et j'avoue que je l'aime et que je voudrais le connaître davantage !
Et quel bel hommage à ton amie Noémi. J'espère que tu nous l'a présenteras un jour !
à
Dodo
xxx
Comme c'est mignon ce texte! En plus, vous êtes allés chez LV et chez LaDurée, ça donne juste un petit ton de glam!
Blague à part, ton texte a un je-ne-sais-quoi de Marc Lévy, raconter des histoires simples et savoir les mettre en beauté, en valeur...Wow! Je ne peux qu'être amoureux de toi ;oP
xox
Merci d'aimer ma soeur...
Marie-Eve x
Que c'est joli. Toute femme rêve d'un jour être l'héroine de ton blog.
Merci pour les voeux d'anniversaire
Bisous
je suis toute émue.
quelque(S) ligne(S) et je réalise la chance d'être ici avec vous deux.
et je vous aime..
(bon, j'entend déjà jocelyn me dire, arrête de faire ta fefille!)
à toute patate!
j.
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