Le kitsch, comme dirait un auteur dont j'oublie le nom, est "[...] une réaction qui n’est pas marquée par un manque de goût, mais par une absence d’inventivité et d’incarnation. [Il] nie l’individualité (et par extension, l’altérité) afin de pouvoir plaire à tout prix à toutes personnes. L’objet ainsi qualifié propose un lieu normalisé à outrance, où le conflit n'a pas sa place, où le réel et l’imaginaire se présentent entiers. [...] C’est pourquoi kitsch est à la fois insulte et compliment : il évoque une utopie aussi charmante que condamnable : seulement l’amour." Le mot est né en Allemagne au milieu du XIXe siècle, soit en pleine révolution industrielle où la production de masse commençait à voir le jour, dans une période où l'on se plaisait à inventer la tradition (Frères Grimm, nain de jardin, les Celtes...).
La réalité du kitsch survit toujours aujourd'hui, dans des formes traditionnelles, mais aussi dans des formes réinventées (on parlera de néokitsch). Mais sa reproduction est menacée de plus en plus par un désir de re(con)naissance qui invite les individus-monde à vouloir se différencier les uns des autres. Il est menacé par les Ikéas, les Roche-Bobois, les Louis-Vuiton et toutes les autres multinationales qui n'ont autres désirs que d'esclavager le kitsch à l'hégémonie du bon goût en proposant une autre utopie froide et uniformisante : seulement du beau. Il est menacé de pourrir dans les dépotoirs et vit silencieusement dans les sous-sols, les chalets, les greniers, les boutiques de souvenirs ou d'antiquités, son triste sort, celui de s'empoussiérer, d'être ridiculisé, de rester dans l'ombre, de vivre dans la peur d'être jeté. Le kitsch rejoint, au XXIe siècle les rangs des misérables, des miséreux, car il n'a pas sa place dans le temple du goût. Mais comme la classe ouvrière que l'on dit aliénée, le kitsch a l'avantage de demeurer nombreux. Comme omniprésent, il rappelle à ses bourreaux que non seulement il ne pourra jamais l'exterminer en entier, mais qu'ils ont besoin de lui, ne serait-ce que pour se sentir supérieurs. Le kitsch se paye le luxe d'avoir encore de la valeur, à ses yeux.
De cette valeur certaine émane ce qui préoccupe finalement tout ethnologue digne de ce nom même s'ils font semblant de croire au relativisme culturel : l'authenticité. L'authenticité peut être définie par ce supplément d'âme qui octroie aux groupes, aux objets, un statut d'être supérieur. Ainsi, un authentique vieil objet va devenir du patrimoine, un authentique objet exotique va devenir un trésor culturel, une authentique sacoche LV va devenir un objet de luxe, un authentique "quelque chose" fait par un authentique artiste authentique va devenir un objet d'art, et ainsi de suite.
Dans le cas qui me préoccupe, l'authentiquement kitsch, ce kitsch de statut supérieur, existe-t-il toujours ? Pour tenter d'aller à sa rencontre, j'ai décidé de revenir aux sources de cette authenticité, c'est-à-dire son berceau : l'Allemagne. Comme je ne disposais que de trois jours pour mener mon enquête, j'ai réduit le terrain à une seule ville : Berlin.
Mais partir à la conquête (à la recherche, désolé de m'être emporté) du dernier kitsch, ou du kitsch dernier (c'est selon), n'est pas une mission facile. Doit-on rappeler ici le caractère agressif (et parfois cannibale) du kitsch ? Qui ne connaît pas un couple d'amis sans histoire que l'on croyait immunisé qui, après avoir déménagé en banlieue, sont revenus avec des bottillons, des bas blancs, un kit qui matche ou pire, l'idée de se marier... Le kitsch saute sur tout ce qui bouge (même Brie-mon-chien-Bree a été prise de ce fléau une fois en revenant de chez le toiletteur !) et ce qui ne bouge pas (protégez vos sacoches !) ; donc si Berlin s'avère être bel et bien le premier foyer de cette épidémie, mon individualité demeure menacée.
Pour m'assurer de faire une "intégration" réussie (c'est-à-dire réussir à toffer le plus longtemps possible en enlevant mon masque... culturel) dans ce milieu hostile à la mise à distance, je me suis armé de Grégoire, le gars cool (tellement cool que bientôt à Berlin, le look Freddy Krueger avec une peau de pêche va être à la mode) et Alexandre, l'avant-gardiste (tellement avant-gardiste qu'il a inventé pour nous hier le Pizzotto, soit un remake de pizzaghetti, mais version risotto...) On sait que les cools, avec leur attitude aspirante, inspirante et détachée de leur être, savent pister le kitsch plusieurs jours à l'avance. Cela m'a été utile, spécifiquement que je n'avais que trois jours. Les avant-gardistes, quant à eux, sont pratiques, car ils sont en mesure d'assassiner et/ou de tourner en notre avantage le kitsch qu'ils sentent trop menaçants. Ce sont dans ces conditions minimalistes que je suis partie à la chasse au (à la recherche, désolé de m'être encore emporté) kitsch....
Suite dans le volume deux.
2 commentaires:
Avais-tu mis ton habit safari ???
Mon cher jocelyn...Si je peux contribuer a ta recherche du kitsch, laisse-moi te mentionner l'existence d'une boutique de kitsch sur la rue Grant de San Francisco tellement peu oubliee et qui a l'air tellement d'actualite qu'il est interdit de prendre des photos de leur vitrine! Je ne sais toutefois pas s'ils interdisent les photos pour preserver une aura glamour et presque mythique autour de ce sanctuaire du kitsch ou si c'est pour eviter que les conducteurs dans la rue ne soient eblouis par les milles reflets du flash de la camera sur les dorures, fioritures, miroitures, clinquement de doratures (ouf, j'invente des mots je crois...mais y a pas de mots pour decrire cette vitrine) qui attirent le regard. Avant meme de te lire, j'avais pense te photographier ce temple de la ketainerie chic pour une eventuelle etude sur le kitsch, mais les gros yeux menacants du proprio m'ont decourage d'enfreindre son reglement...
Bref, si jamais je reussi sournoisement a te procurer une photo de cet endroit, je te l'envoie! Et en passant...si le kitsch est ne en Europe, je peux te garantir qu'il s'est vite exporte en Amerique...j'suis fascinee a chaque jour par des trucs plus kitsch les uns que les autres qui sont pourtant presque glorifies!
Ah oui, les figurines Obama sont sorties! avec la tete qui gigote comme!et ca se vend un prix de fou!
Cath
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