2008-09-30

les crânes maoris

Premier choc culturel (Ai-je déjà dépassé mon stade touriste ?) : les crânes maoris. J'écoute attentivement une conférence sur l'émotion patrimoniale portant sur le toyboko (désolé pour l'orthographe) faite par une représentante du Musée du quai Branly (qui se trouve à avoir dirigé la thèse d'Anne-Gaël). Les toyboko, ce sont des crânes de guerriers maoris que certaines communautés ont conservées à des fins sacrées. Or, les explorateurs qui ont touchés la Nouvelle-Zélande ont été forts intrigués par ces reliques et ont finis par les troqués pour conserver un souvenir exotique de leur expédition. Les maoris, trouvant que c'était une monnaie d'échange assez importante, ce sont mis à produire des crânes à l'aide d'esclaves... Comme quoi, toute forme de tourisme finit par altérer l'authentique... Mais bon... Toujours est-il que ces crânes finissent par atterrir dans, entre autres, les collections des musées français. Aujourd'hui, plusieurs sociétés maoris réclament le rapatriement des sépultures de leurs ancêtres.

Jusque là, tout va bien. Beau problème éthique, belle problématique autour des enjeux de la conservation et des enjeux identitaires, beau dialogue entre cultures. Mais là, arrive le problème... La conférencière expose le cas de Rouen qui a voulu envoyer le crâne de leur collection et de la bombe que cela a jeté dans le ministère de la culture... Je me dis, ok, c'est une question administrative et de guerre de pouvoir... Mais non, c'est une question que ces crânes font partie de la collection nationale. Je me dis : ishhh... Le ministère est dont bien By the book... Alors la conférencière explique que bref, ça se poursuit en justice, et qu'il y a plein de personne en faveur du rapatriement, qui prône la dimension éthique, qu'un corps humain ne peut être légalement une possession. La conférencière s'applique à montrer la complexité du débat. Je trouve ça weird comme débat, parce que dans ma tête, je suis très arrêté. C'est un corps humain, il y a obligation de respecter sa dignité et d'avoir une sépulture. Et bon, la conférence se termine sur une espèce d'impasse législative, muséale, culturelle, scientifique... Je suis insatisfait. Je ne comprends plus le problème. 

Mais là, la discussion me fait pâlir. Certains grognent contre les Anglo-Saxons qui dilapident leur collection de corps, Pierre Centlivres en personne rappelle que c'était presque un devoir d'anthropologue de ramener de ses terrains des restes humains, d'autres comparent ces pièces de collection aux collections d'animaux naturalisés, un rappelle-même qu'à cause des tatous, les têtes ont aussi une fonction esthétique qui est étrangement exclue du débat (!), que ces trésors nationaux reflètent aussi l'histoire des contacts entre les Blancs et ces sociétés, que ces têtes incarnaient (par conséquent) une partie de l'histoire universelle que la France se devait de conserver, qu'il y avait là une tentative juridique d'aliéner le rôle des musées, que la science ne devait pas céder à des revendications identitaires, etc, etc. J'avais le goût de me lever, de crier "Bande de cannibales ! De pilleurs de tombe ! D'impérialistes ! Vous ne voyez donc pas que vos musées de l'homme sont inhumains !", pis de partir en claquant la porte aussi fort que je suis indigné. Mais bon, je suis resté stupéfait par l'écart culturel.

J'ai comme été atteint dans une pudeur que je ne savais pas que j'avais et que je ne savais pas que les Français n'avait pas. Je suis choqué, mais amusé de constater cette différence dans ce rapport au corps et à la dignité humaine. Dans le fond, il y a une différence fondamentale dans nos manières respectives de penser l'humanité, ou plutôt, sa frontière. La question qui se pose alors, c'est "Quand cesse-t-on d'être humain ?" Peut-être les Français répondent-ils : à la mort, et les Anglo-Saxons : jamais. Nos ossements continuent à être humains et on doit respect à cette humanité, ou ce qu'il en reste. Peut-être aussi que le traitement muséal, l'exposition, peut difficilement se comprendre, en France, comme un irrespect pour cette part d'humanité. Au contraire, ce serait un prestige, voire une éloge funèbre que d'être ainsi conservé. Entre le "Ci-gît", qui implique un devoir de mémoire et de commémoration et le "R.I.P.", annonçant plutôt un dernier souhait au défunt, il y a un océan.   
    
  
 

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Je pense que tu aurais dû te lever et crier : "Bande de cannibales ! De pilleurs de tombe ! D'impérialistes ! Vous ne voyez donc pas que vos musées de l'homme sont inhumains !"
Ça aurait été une sortie spectaculaire... et peut-être que certains anglo-saxons auraient également quitté en criant à leur tour: "Idem!, "Idem!"
Tu aurais aussi pu crier Bandes de Chacals, vous allez crever comme des chacals, mais ça fait deux fois chacals.
(je teste tes connaissances dans le 7e art français...)
Mélissa

Garde a dit...

Je ne dirai qu'un seul mot : WOW!

Anonyme a dit...

ah oui!! cela aurait été trop fort comme intervention!!

Pat

jocelyn a dit...

c'est Mission Cléopâtre... (je tiens à remercier google)

Ophélie a dit...

Ha ha ha!!! Je suis très d'accord avec le commentaire de Mélissa. Bravo pour la partie des chacales... moi en tout cas, j'aurais pas hésité une seconde! Sinon on peut aussi lancer à la volette: Vous savez, les Occidentaux sont appréciés partout à la condition qu'ils y mettent un peu du leur! Ah Ah, autre colle cinématographique.
Math