2008-10-04

les lesbiennes

Beaudelaire voulait au départ nommer son recueil de poèmes "Les lesbiennes", mais finit par l'appeler les Fleurs du mal. Dommage, car ce titre rend bien honneur à Paris, la nuit. La nuit, Paris est une femme qui ne dort que d'un oeil. Elle demeure ouverte, aux suggestions, et se laisse porter par une imagination sensuelle sans borne. Elle attend qu'on l'embrasse avec cette même sensibilité, comme si toute brutalité pouvait la faire disparaître dans un nuage de fumée. Elle murmure sans voix dans l'oreille de ses amantes, un air d'opéra, une mélodie troublante. J'ai vécu une nuit parisienne. 
Tout a commencé à un concert de flûte à 20h30 (mais à quelle heure veulent-ils qu'on mange ?). C'était la finale d'un concours prestigieux, ce qui veut dire : tenue appropriée, posture droite, public de musiciens pointilleux et pourboire à la placeuse. (Nous ignorions ce dernier point.) Les quatre finalistes (un Polonais, une Américaine, un Français et un Japonais) devaient jouer le même concerto de Mozart. C'était vraiment pédagogique de constater les variations dans les manières de jouer la même oeuvre. Moi qui ne comprenait pas pourquoi, en musique classique, il y avait une tradition maintes fois centenaires de remake, là, j'ai été fouetté par les nuances et variations de cet art. Le Polonais était puissant et constant, l'Américaine, je n'ai pas aimé et je ne saurais dire pourquoi (trop faible, trop discret, trop...), le Français était troublant, son instrument nous racontait une histoire, le Japonais était parfait, mais il n'a pas réussi à m'ébranler. Son histoire n'était que des si et des bémols... Pourtant, c'est lui qui a remporté. Le Français, troisième. J'étais scandalisé. La musique est-elle devenue une technique que l'on inculque à grands coups de discipline ? Il y a une perte de sens. C'est dramatique. Si la flûte chante comme la femme, on lui retire le droit de gémir.  
De la grande classe, Julie et moi avons été nous lover sur la rive droite, dans le Marais dans un bar miteux que nous avons compris être pour les lesbiennes. En fait, on y est allé pour rejoindre des amis de la MEC. Bar à moitié vide, musique rock-kitsch trop forte, bons spéciaux, murs couverts de signatures de personnes saoules, lesbiennes qui dansent comme des déesses, homosexuels qui dansent comme des homosexuels, amis hétéros un peu égarés, nous avons pris, après une période d'adaptation un peu difficile, la table du fond. De ces quartiers généraux, nous avons trinqué à maintes reprise (de mon côté, Cuba libre (version française du rhum and coke), mauvais vin rouge et shooters peach schnapp Bailey's...) à petits prix. L'ivresse nous a porté au mépris, jusqu'à ce qu'un conflit ouvert éclate contre une fille présente à notre table. C'est une histoire autour (mais ce n'est que conjoncturel) de deux bouteilles de sirop d'érable ontarien qui a mis le feu au poudre... J'ai pris le bord de Julie, qui a pris le bord de la porte. Nous sommes partis, heureux de se sentir aussi libres, mais à pied. Nous avons pu avoir une bonne et longue conversation qui m'a donné plus mal au pieds qu'à la tête. 

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